Imaginez que vous viviez dans une ville dont le nom n’apparaît sur aucune carte conventionnelle, et dont l’accès est strictement contrôlé. Ce n’est pas le scénario d’un film d’espionnage, mais la réalité quotidienne des villes fermées en Russie, officiellement appelées ZATO (entités territoriales administratives fermées). Ces villes abritent souvent un type d’installation secrète, comme une usine ou une base militaire et, dans certains cas, peuvent être visitées avec une autorisation spéciale ou par le biais d’une visite guidée.

carte villes fermées Russie

Qu’est-ce qu’une ville fermée ?

Une ville fermée (ZATO) est une localité où l’accès et la résidence sont restreints en raison de la présence d’installations militaires, nucléaires ou scientifiques sensibles. Ces villes sont apparues à l’origine en Union soviétique pendant la Guerre froide, conçues pour protéger les secrets stratégiques de l’État.

Actuellement, la Russie compte officiellement 38 villes fermées, pour un total d’environ 1,5 million d’habitants. La plupart sont administrées par le ministère de la Défense ou Rosatom, l’agence nucléaire d’État.

Les villes fermées constituent un phénomène complexe, hérité de la nécessité historique de protéger des activités sensibles, principalement militaires et nucléaires. Bien que le contexte de la Guerre froide ait changé, beaucoup de ces villes subsistent aujourd’hui dans la Fédération de Russie sous le statut de ZATO, avec des restrictions d’accès. Cependant, certaines se sont partiellement ouvertes via des autorisations spéciales et un tourisme limité, offrant un aperçu de la vie et de l’histoire derrière ces territoires longtemps secrets.

La législation et le statut administratif des ZATO varient à l’échelle régionale au sein de la Russie. Le concept de ville fermée n’est pas exclusif à l’Union soviétique/Russie ; il a existé ou existe des formes similaires dans d’autres pays, pour divers motifs de sécurité et de restrictions d’accès.

Les catégories de villes fermées

Les villes fermées ont été établies en Union soviétique dès la fin des années 1940, sous le terme euphémistique de « boîtes postales ».

On distinguait deux grandes catégories :

  1. Petites communautés avec des installations militaires, industrielles ou scientifiques sensibles (armement, recherche nucléaire). L’accès était limité même pour les citoyens soviétiques sans autorisation. Exemples : Ozyorsk (production de plutonium), Sillamäe (enrichissement d’uranium).
  2. Villes frontalières ou zones frontalières fermées pour des raisons de sécurité. Des permis spéciaux étaient requis pour y entrer.

Les villes de la première catégorie étaient situées dans des zones reculées, souvent dans l’Oural ou en Sibérie, à proximité de cours d’eau indispensables à l’industrie lourde et aux technologies nucléaires.

Tout déplacement vers ou depuis ces zones était strictement contrôlé, l’entrée étant interdite aux étrangers et soumise à des mesures très rigoureuses pour les résidents locaux : permis spéciaux de déplacement, validation par les services de sécurité pour y vivre. Certaines étaient entourées de barbelés, surveillées par des gardes armés.

La Russie détient le plus grand nombre de villes fermées au monde. Après l’adoption de la nouvelle constitution russe en 1993, on les a rebaptisées « entités territoriales administratives fermées » (ZATO). En plus des 38 villes ZATO officiellement listées, on estime qu’il existe environ 15 autres villes fermées dont la localisation n’a pas été divulguée par le gouvernement russe.

5 exemples remarquables de villes fermées en Russie

Zheleznogorsk (région de Krasnoïarsk)

Renommée pour une importante usine chimique produisant du plutonium militaire depuis 1950, et pour une autre fabrication de satellites spatiaux. Autrefois connue sous le nom de Krasnoïarsk-26. Elle fut également appelée : « la Ville socialiste », « Ville de l’Acier », « Le Neuf » et « Ville Atomique ».

Outre le plutonium, on y produisait aussi de l’électricité et d’autres sources de chaleur grâce à des réacteurs modérés au graphite et refroidis à l’eau, jusqu’en 2010, date de la fermeture du dernier réacteur.

L’entrée est possible sur invitation de membres de la famille ou pour raison professionnelle. Plus d’informations.

Zheleznogorsk

Zvezdny Gorodok (Moscou) : La Cité des Étoiles

La Cité des Étoiles (en anglais « Star City », en russe « Zvyozdny Gorodok ») est le centre d’entraînement où furent formés les cosmonautes russes, pour devenir les premiers à voyager dans l’espace.

Depuis la fin des années 60, ce centre de formation porte le nom de Youri Gagarine (abrégé en GCTC), en hommage au premier cosmonaute parti dans l’espace. On peut y accéder via une visite touristique organisée.

Hydrolaboratoire microgravité spatiale

Sarov (Nijni Novgorod)

Un pôle central du développement d’armes nucléaires en Russie. La ville est fortement contrôlée, mais il est possible d’y accéder de façon restreinte pour des raisons professionnelles ou des événements spécifiques. Un passe spécial est requis pour la visite.

Après 1946, Sarov a porté jusqu’à six noms de code : « Objet-550 », « Base 112 », « Privólzhskaia kontora de Glavgorstrói », « Kremliov », « Arzamás-16 » et « Arzamás-75 ». Ces appellations chiffrées étaient fréquentes en Russie pour les villes fermées. Les nombres ne signifiaient rien de précis (il n’existait pas 74 autres « Arzamás secrètes »).

Sarov

Severomorsk (Mourmansk)

Base principale de la puissante Flotte du Nord russe. Son accès touristique peut se faire via des agences spécialisées, avec au moins un mois d’anticipation.

Dans cette ville, on trouve le Musée de l’Aviation, le Musée d’Histoire de la ville et de la Flotte de Severomorsk, ainsi que la Maison de Gagarine.

Severomorsk

Mirny (Arkhangelsk)

Fondée en 1957 pour les travailleurs d’un site de lancement de missiles balistiques. La localité obtint le statut de ville en 1966 en raison du développement du cosmodrome de Plessetsk.

L’existence du cosmodrome de Plessetsk a d’abord été tenue secrète, jusqu’à ce que le professeur britannique Geoffrey Perry et ses élèves découvrent, en étudiant l’orbite du satellite Cosmos 112, qu’il n’avait pas été lancé depuis Baïkonour.

Après la Guerre froide, on a appris que la CIA suspectait déjà la présence d’un tel site de lancement à Plessetsk dès la fin des années 50, même si l’URSS n’en a officiellement reconnu l’existence qu’en 1983. Plus d’informations sur les visites.

Cosmodromo de Plesetsk

L’avenir des villes secrètes

Les villes secrètes ou ZATO (Zones Territoriales Administratives Fermées) symbolisent l’ère soviétique et jouent encore un rôle stratégique important dans la Russie contemporaine. Ces dernières décennies, certaines ZATO ont commencé à s’ouvrir lentement, en permettant des investissements étrangers limités et des visites organisées sous strict contrôle. Des villes comme Zvezdny Gorodok (Centre d’entraînement des cosmonautes) ou Sarov (recherche nucléaire) ont noué des coopérations ponctuelles avec des organismes internationaux, même si la guerre en Ukraine a en grande partie mis un frein à ces projets.

Nombre de ces villes secrètes ont été créées autour de technologies militaires ou nucléaires potentiellement obsolètes ou d’importance stratégique déclinante. Certaines ZATO font déjà face à la nécessité de diversifier leur économie pour maintenir l’emploi et la stabilité sociale. Des programmes de reconversion technologique pourraient transformer ces villes en centres de recherche civile ou industrielle dans des secteurs de pointe comme l’informatique, la nanotechnologie ou les énergies renouvelables.

Malgré une possible ouverture partielle, les tensions géopolitiques actuelles laissent penser que beaucoup de ces villes secrètes conserveront leur statut fermé, pour des raisons de sécurité et d’intérêts stratégiques nationaux. La modernisation militaire russe et la résurgence de la concurrence internationale renforcent la valeur stratégique de ces sites, de sorte que beaucoup de ZATO resteront fermées, notamment celles directement liées à l’armement nucléaire ou à la technologie spatiale.

Liste des entités administratives et territoriales fermées

République de Bachkirie (Bachkortostan)

  • Mezhgorie

Région de l’Altaï

  • Siberiano (Sibirski)

Région de Krasnoïarsk

  • Zheleznogorsk (Podgorny, Dodonovo, Novy Put, Tartat, Shivera)
  • Zelenogorsk
  • Solnechny

Kraï du Primorié

  • Fokino (Dunay, Putyatin)

Région de l’Amour

  • Tsiolkovsky

Région d’Arkhangelsk

  • Mirny

Région d’Astrakhan

  • Znamensk

Région de Vladimir

  • Raduzhny

Kraï du Kamtchatka

  • Vilioutchinsk

Région de Kirov

  • Pervomaysky

Région de Moscou

  • Krasnoznamensk
  • Vlasikha
  • Voskhod
  • Star City (Zvyozdny Gorodok)
  • Molodezhny

Région de Mourmansk

  • Aleksandrovsk (Gadzhiyevo, Polyarny, Snezhnogorsk, Kuvshinskaya Salma, Olenya Guba, Sayda-Guba)
  • Zaozersk
  • Ostrovnoy (Lumbovka, Korabelnoye, Svyatoy Nos, Mys-Cherny, Mayak-Gorodetsky, Tersko-Orlovsky Mayak)
  • Severomorsk (Safonovo, Severomorsk-3, Shchukozero)
  • Vidyaevo

Région de Nijni Novgorod

  • Sarov

Région d’Orenbourg

  • Komarovsky

Région de Penza

  • Zarechny

Région de Perm

  • Zvezdny

Région de Saratov

  • Svetly

Région de Sverdlovsk

  • Lesnoï (Elkino, Tayezhny, Chashchavita, Bushuevka)
  • Novouralsk (Murzinka, Taraskovo, Palniki, Pochinok, Yelan)
  • Svobodny
  • Uralsky

Région de Tver

  • Ozerny
  • Solnechny

Région de Tomsk

  • Seversk (Samus, Orlovka, Kizhirovo, Chernilshchikovo, Semiozerki)

Région de Tcheliabinsk

  • Ozersk (Novogorny, Tatysh, Metlino, Bizhelyak, Selezni, Novaya Techa)
  • Snezhinsk (Blizhniy Beregovoy, Klyuchi)
  • Trekhgorny

Territoire de Transbaïkalie (Zabaïkalski)

  • Gorny

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